vendredi 12 février 2021

Six questions à Yasmina Behagle


1. Bonjour Yasmina, votre roman "Fièvre de lait" a pour thème, entre autres, les difficultés psychologiques liées à la naissance d'un enfant. Comment vous est venue l'idée de développer ce thème ?

 

Je trouve que le post partum appartient à ces périodes graves de la vie,

presque majestueuses comme le deuil, ou la convalescence. Ces périodes où l’on se retrouve

seul face à soi-même, dans cette angoisse existentielle, alors que ce dont on a besoin est justement

l’inverse. Dans beaucoup de cultures, la mère est assistée par la famille entière le premier mois,

je trouve cela inspirant.

On ne prépare pas suffisamment les parents à ce vide qu’ils vont ressentir au début. Au contraire,

on le nie, et on assure l’inverse avec des formules toutes faites. D’un autre côté, je voulais que

mon histoire ne parle pas que de post-partum. C’est aussi un livre sur la solitude et l’impossible

communication entre les gens. J’ai souhaité montrer les ravages de l’individualisme à travers le

prisme de la maternité. 

 

 

  1. Le ton de ce roman est parfois grave, toujours réaliste, à quel type de lecteurs

vous adressez-vous ? Pourquoi ce choix ?

 

C’est amusant, parce que c’est une question à laquelle je n’ai pas vraiment réfléchi. Je pense

d’ailleurs que c’est dommage d’enfermer les lecteurs dans des cases. Mais c’est la raison pour

laquelle je finirais probablement crucifiée sur l’autel de l’autoédition :D

 

Plus sérieusement, je pense que le travail éditorial doit intervenir uniquement quand le livre est

terminé. Je n’ai pas l’impression de m’adresser à un lecteur particulier en écrivant. Et dès que je

commence à en concevoir, c’est la catastrophe, je me censure « que vont-ils penser ? » « ne vont-ils

pas être offensés ? ». C’est la mort de la créativité. 

 

  1. Le roman "fièvre de lait" s'attarde particulièrement sur les graves carences que

génèrent des familles/personnes toxiques. Comment évitez-vous d'en être victime ?

 

Il n’y a pas beaucoup de solution : accepter ou partir. Et prendre pleinement conscience de

son choix. Après, je pense que ce choix appartient à chacun. Personnellement, j’ai toujours

espoir que les personnes changent et s’améliorent, je n’aime pas le ton péremptoire des gens

qui conseillent de couper tout lien. Autre opinion impopulaire : je pense qu’on est tous bourreau

et victime à certains moments. Dans mon livre, Delphine est victime de sa famille, mais bourreau

de Grégory. (On peut faire ça avec chaque personnage, et chaque être humain autour de nous, j’en

suis convaincue).  Il faut s’interroger, toujours. A posteriori en tout cas. Mais c’est mon côté avocat

du diable. À titre personnel, je fais du stop and go émotionnel, quand ça va, ça va, quand on commence

à me faire du mal, je coupe, en attendant que l’orage passe. Je me rends compte que je viens de me

contredire sur les deux choix, donc je rectifie. Il y a trois choix : accepter, partir, ou faire du stop and

go émotionnel. Et la troisième option est celle que les psys déconseillent en général :D

 

 

 

 

  1. Comment inscrivez-vous votre rituel d'écriture dans votre vie ?


J’ai la chance d’être actuellement en congé parental, donc je peux écrire tous les jours, plusieurs

fois par jour. J’essaie d’écrire mille mots, en plusieurs fois (300/300, 200/200). Comme on peut

le voir, les chiffres me rassurent, et ordonnent ma pensée. Sinon, je pense presque constamment

à mes histoires, à mes personnages, à ce qu’ils pourraient faire, à ce qu’ils pourraient dire. Mais,

nous sommes nombreux dans le même cas, non ?

 

  1. Quel a été l'accueil, les réactions réservées à votre roman ?

 

Télérama a adoré, Augustin Trapenard parle d’« une voix pour ceux qui n’en ont plus ». 

 

Non ? Bon d’accord…

 

L’accueil est plutôt bon, nous sommes sur du 76% de 5 étoiles, et 14% de 4 étoiles. J’ai reçu

des messages de lectrices qui ont été touchées par l’histoire, c’est vraiment chouette. Le premier,

j’ai été si étonnée et excitée que j’ai eu du mal à m’endormir le soir. 

 

Et pour les 9% de 1 étoile qui correspondent à un vote vu mes (très) nombreuses ventes, qu’ajouter ?

Rien en fait, c’est un dialogue qui ne s’est tout simplement pas fait. La personne en question dira

certainement qu’avec mon « style ampoulé, etc », le dialogue ne pouvait pas se faire. Et je répondrais

que… Est-ce que je suis vraiment en train d’écrire un dialogue fictif sur un dialogue impossible ? 

 

 

 

6. Vous écrivez votre deuxième ouvrage, vous adressez-vous au même lectorat ? Concernera-t-il 

le même thème ?

Oui, je suis en train de relire et corriger le premier tome de Leur mère à toutes, qui devrait sortir au printemps. 

C’est une histoire qui se passe au 19ème siècle dans la prison de femmes de Saint-Lazare. En ce moment, je

m’interroge justement, va-t-il plaire aux mêmes personnes ? Je n’en sais rien. J’ai pu me lancer dans

l’expérimentation un peu plus que dans Fièvre de lait. Ce sera un roman polyphonique, mais pas que.

J’aime bien sortir de ma zone de confort. Je retrouve en le relisant un passage qui montre ma fascination

pour la naissance, j’ai du être sage-femme dans une autre vie. Mais sinon, il sera très différent, j’ai hâte

d’avoir des retours. 

Merci beaucoup d'avoir répondu à ces quelques questions, et à bientôt !

Charlie Gulec

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