mardi 15 juin 2021

Le texte de juin : un petit mystère en cadeau !

 


Bonjour à tous, 
En partage pour le mois de juin, voici un extrait des mystères de la forêt enchantée. Je vous offre, pour vous mettre l'eau à la bouche, une version antérieure du tout premier mystère. Depuis, l'histoire a évolué mais elle est réservée à mon capitaine et vous la découvrirez avant la fin de l'année dans son volume (je l'espère ! )

 Il était une fois, dans la forêt enchantée, vivait une petite souris prénommée Lili. Elle, son frère et sa sœur, vivaient avec leur mère : Dame Sage. Monsieur Sage, le père de Lili, Tina et Tim, était mort longtemps auparavant et Lili n’avait pas de souvenirs de feu son père. Parfois, confondus dans ses rêves, remontaient à sa conscience un parfum masculin, une sensation de câlins forts et râpeux et une impression de sécurité et de chaleur disparue à jamais.

Dame Sage tâchait d’élever ses enfants du mieux qu’elle le pouvait mais avec Lili la tâche était ardue. Lili savait se rendre insupportable. Elle pouvait frapper sa petite sœur avec une grande violence pour utiliser ses jouets sans lui en demander la permission. Lorsque Dame Sage, alertée par les cris de Tina, voulait rendre justice, Lili n’hésitait pas à jeter le jouet convoité contre le mur de toutes ses forces si bien que le pauvre objet n’avait aucune chance de s’en tirer sans dommage. Ou bien à table, si Dame Sage quittait la pièce pour aller à la cuisine chercher des plats, Lili, qui avait bien remarqué la lenteur de Tim pour manger, se servait directement dans l’assiette de son infortuné frère et engloutissait promptement ses morceaux préférés. Cela chagrinait Dame Sage, mais il y avait bien pire. En effet, même à l’extérieur du foyer Lili se conduisait fort mal.

Madame Piquedur était une hérissonne bien utile à la communauté. Elle fabriquait de la farine de châtaigne que chacun venait lui échanger contre d’autres produits ou des services. Et c’est ainsi que tous les habitants de la clairière faisaient du pain et des gâteaux. Un jour que Dame Sage venait échanger un joli bonnet qu’elle avait tricoté contre de la farine, madame Piquedur réclama de Lili qu’elle la salua, c’était la seule à n’avoir pas dit bonjour, tout le monde la regardait avec insistance, sa mère, madame Piquedur, et même Colbac le corbeau freux.

Lili avait sa tête des matins chagrins, elle regarda enfin madame Piquedur et lui tira la langue franchement, penchée en avant, insistante, provocante, avant de s’enfuir dehors. Madame Piquedur avait sursauté, c’était la première fois qu’elle voyait une souris si désespérante. Quant à Dame Sage, elle aurait bien voulu se cacher dans un trou de souris.

Aussi ne fut-elle pas surprise d’être convoquée par Mademoiselle. La jeune demoiselle écureuil faisait la classe à tous les omnivores de la clairière. Elle expliqua à Dame Sage comment Lili avait été surprise en train de copier sur Sable lors d’une interrogation écrite, Sable avait caché safeuille. Lili, vexée d’être confondue, avait frappé Sable sur la tête avec sa propre règle. La tête de Sable s’ornait d’une vilaine bosse, la règle était cassée, et Lili avait refusé de présenter ses excuses. Il fallait acheter une nouvelle règle et tâcher de ramener Lili à la raison. On devait respecter les règles au sein de la clairière si tout le monde se mettait à les casser sur la tête de son voisin, comment pourrait-on continuer à vivre ensemble en paix ? Dame Sage, meurtrie, avait promis de faire de son mieux.

Lili n’en faisait qu’à sa tête. Caprices, colères, cris, disputes, insultes, rien n’était simple et bien souvent, Dame Sage finissait sa journée, épuisée d’avoir tant lutté pour faire entendre sa voix, les yeux rouges et le cœur gros, se demandant ce qu’elle avait bien pu faire pour avoir une fille aussi ingrate et méchante.

  Pourtant, dans le fond de son cœur de mère, Dame Sage savait que cette affreuse enfant n’était pas Lili toute entière. Sous cette couche épaisse de colère et de méchanceté il y avait sa petite souricette qui ne comprenait pas pourquoi toute cette haine sortait d’elle-même et se déversait en vagues implacables, brisant qui se trouvait sur son passage. Dame Sage avait tenté de percer cette carapace épaisse mais n’y était pas parvenue.

 Mimi Doucette, la maman de Sable, était à la fois la voisine de Dame Sage et sa meilleure amie. C’était une charmante lapine, rondelette au pelage soyeux. Elle était toujours entourée de lapereaux plus mignons les uns que les autres. Elle savait tout des difficultés de Dame Sage et lui avait suggéré de passer des moments seule avec Lili. « Peut-être a-t-elle besoin de se sentir unique, regarde Tina, sa petite sœur est tellement sage que Lili peut en concevoir de la jalousie, elle a tous les reproches tandis que Tim et Tina ont toutes les louanges ! »

Dame Sage soupira, résignée. Quand Mademoiselle avait suggéré que Lili manquait sûrement de l’autorité d’un père,Dame Sage avait sévi, tempêté, crié même. Lili criait plus fort, lui avait même dit « Tais-toi, tu n’es qu’une bête ! », choquée de ces affreuses paroles, Dame Sage avait quitté la pièce, abasourdie et muette de stupéfaction. Ensuite on lui avait conseillé (ça c’était madame Piquedur) de l’inscrire au cours de chant « Mais certainement cette enfant s’ennuie, il faut lui enseigner quelques chose pendant ses loisirs, du beau, du bon, lui élever l’esprit à cette enfant ! ». Mais quand Lili avait chanté à tous les habitants de la clairière qu’elle croisait « Tu pues, tu pètes, tu sens la vieille chaussette ! » sur tous les tons, en majeur, en mineur, à la façon lyrique, baroque, pop, rock et même en rythme syncopé, battant la mesure avec ses pattes, Dame Sage lui avait refusé le renouvellement de son inscription.

 Alors cette après-midi-là, ainsi que Mimi Doucette l’avait proposé, Tim et Tina passeraient l’après-midi chez les lapereaux. Ils n’avaient pas protesté. Ils n’avaient pas demandé à avoir un moment seuls avec leur mère quoiqu’eux aussi l’auraient bien voulu (et ne l’auraient-ils pas mérité davantage ?) Pourtant tous leurs moments étaient criblés des éclats de Lili et rares étaient les soirs où ils pouvaient écouter dans le calme l’histoire que voulait leur raconter leur maman. Mais Tim et Tina avaient obéi.

 En revanche lorsque Dame Sage avait annoncé « Lili, tu vas venir avec moi, je dois cueillir des mûres pour faire les confitures de l’hiver, tu m’aideras, nous ferons une promenade bien agréable. »

– Certainement pas ! Avait tranché la souricette, Je n’ai aucune envie de me promener avec toi. Je veux jouer chez les Doucette moi aussi.

– Ma petite fille, tu n’es pas invitée chez les Doucette. Je te rappelle que tu as frappé Sable avec sa règle. Tu as refusé de présenter tes excuses. Tu vas venir avec moi et tu as le choix de venir avec ta joie ou ta mauvaise humeur. Laquelle choisis-tu ?

– C’est de la faute de Sable ! Je le déteste ! Tant mieux s’il ne m’invite pas dans son sale terrier puant !

– Lili ! Tu arrêtes maintenant ! Nous allons partir et je te préviens, les mûres sont loin de la clairière. Il y a beaucoup d’animaux qui rêvent de manger des souris, même si elles font leur mauvais caractère. Il te faudra être silencieuse et rester près de moi. Si je te donne un ordre tu devras obtempérer sans discuter tu as bien compris ?


Lili leva les yeux au ciel. Elle connaissait les Consignes Élémentaires de Sécurité depuis sa petite enfance et Mademoiselle les leur faisait répéter tous les matins en classe. « Oui oui ! » lâcha-t-elle avec impatience.

 Dame Sage partit avec sa fille. Lili décida que porter un panier n’était pas intéressant. Elle le laissa tomber par terre au bout d’un moment prétextant qu’elle avait mal aux bras et regarda du coin de l’œil sa mère le ramasser sans maugréer (la première consigne élémentaire de sécurité c’est le silence en dehors de la clairière !). La petite souris avait un excellent odorat, elle sentit le parfum des mûres bien avant de le voir. Elle décida de précéder sa mère et galopa en direction des effluves délicieuses. Une petite entorse à la sécurité mais sa mère la suivait de près et c’était un tel plaisir de la voir enrager.

 Lili ignorait que, tapi dans les buissons, Rusor le renard retors, l’épiait depuis longtemps. Lili avait atteint le buisson de mûres et se goinfrait sans la moindre retenue, ses moustaches et sa robe étaient tâchés de grosses gouttes violettes et sucrées. Une ombre au-dessus d’elle lui fit lever la tête, un pelage roux soyeux, une voix grave, suave et mystérieuse lui adressa la parole :

– Bonjour petite souris, on dirait que tu aimes les mûres…

– Ça te dérange ?

 – Euh… fit le renard roux surpris.

– Tête d’orange, tu l’épluches et tu la manges ! Ha ha ha !

Le renard jeta sa tête en arrière et son rire était silencieux, ses jolies dents pointues découvertes.

– Oh je vois ! Une souris minuscule qui ne sait pas dire bonjour, qui insulte les adultes même quand elle ignore qui ils sont, tu dois être Lili.

La petite souris qui avait repris son grignotage, cessa de nouveau, interloquée :

– Ça alors ! Comment sais-tu mon nom ? Dit-elle la bouche pleine.

– On parle de toi, j’ai entendu Colbac mentionner sa rencontre avec la souris la plus mal élevée de la clairière.

Lili était bouche bée.   Le grand animal s’approcha d’elle. Elle pouvait sentir son haleine chaude de carnivore. « Et moi je suis Rusor, le renard retors et je n’ai pas encore goûté de souris à la mûre cette année » chuchota-t-il presque dans son oreille.

Lili était pétrifiée. Devant elle, le sourire mauvais du renard se dirigeait droit sur elle, il se délectait de sa terreur. Dans la tête de Lili les pensées tournoyaient à toute vitesse, danger, consignes, sa mère, appeler, elle voulut mettre à profit les quelques instants de pause que la perversité du renard lui accordait mais un ridicule gargouillis sortit de sa bouche. Hypnotisée elle ne pouvait pas bouger.


De loin Dame Sage avait aperçu le goupil. Son sang ne fit qu’un tour et elle oublia qu’elle n’était qu’une souris.

Ventre à terre tel un projectile brun poilu lancé à toute allure, les yeux rivés sur cette forme rousse qui parlait, penchée vers une minuscule petite souricette haute comme trois grains de raisin. Elle attrapa sans ralentir une branche morte à sa taille et arriva droit sur Rusor, lui planta son bâton dans l’arrière-train en poussant un cri de guerre. Rusor glapit de surprise autant que de douleur et celle que dans sa jeunesse on appelait Rosalie, combattit avec la fureur de qui ne craint pas la mort pour elle-même, elle combattit avec le désespoir de la proie contre le prédateur préférant attirer sur elle l’attention de l’ennemi, protégeant son enfant de toute la durée du combat.


Rusor, humilié et craignant que la prolongation du spectacle attire des observateurs qui pourraient se moquer, décida de passer son chemin pour cette fois.

Alors Rosalie, moulue, s’approcha de sa fille. Pour la première fois depuis la mort de son père Lili pleurait. Elle était traversée par une cascade de sanglots qui la faisaient hoqueter. Sa maman retrouva les gestes de la toute petite enfance de Lili pour la bercer dans ses bras et l’envelopper de douces paroles répétées en boucle « Je suis là mon cœur, mon amour, mon chéri, mon trésor » et l’enfant finit par se calmer.

 Cette promenade changea la petite Lili. Elle avait compris beaucoup de choses. Tout d’abord elle savait que quoiqu’elle fasse sa mère l’aimerait toujours assez pour risquer sa vie pour elle et cet amour l’impressionnait. Ensuite elle avait éprouvé que les Consignes Élémentaires de Sécurité servent à rester vivant, à rendre douillet un monde qui peut être hostile et elle en devint un ardent défenseur.

C’est Mimi Doucette qui fut bien fière le lendemain quand Lili vint offrir un pot de confiture de mûres à Sable pour lui présenter ses excuses « Tu vois, je te l’avais bien dit ! » avait-elle chuchoté à son amie et Rosalie et Lili avaient échangé un clin d’œil discret.


Oh n’allez pas croire que Lili devint une sainte, loin s’en faut. Mais, brisant sa carapace elle était devenue raisonnable et c’était un progrès appréciable. Cela laissa à Tim et Tina la possibilité d’être un peu moins sages !

Voilà les amis, pour votre première promenade dans la forêt enchantée. Dites-moi ce que vous en pensez et si cela vous donne envie de revenir !





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